En septembre dernier, le développement du mouvement « bloquons tout ! » précipitait la chute du gouvernement Bayrou. Sur les plateaux de télévision, les journalistes s’interrogeaient – la mort dans l’âme – sur la meilleure « option » : une dissolution de l’Assemblée nationale ou la démission d’Emmanuel Macron ?

Quelques semaines plus tard, la fièvre sociale est retombée (provisoirement). Les directions confédérales des syndicats y ont contribué avec un parfait cynisme : « journée d’action » sans lendemain, simulacre d’« ultimatum » au gouvernement Lecornu, nouvelle « journée d’action » sans lendemain, etc. Puis, le 16 octobre, le PS a pris le relais des directions syndicales : en ne censurant pas le gouvernement Lecornu, le parti d’Olivier Faure a ouvert une nouvelle phase de relative « stabilité politique ». En d’autres termes, il a permis au gouvernement des riches de poursuivre sa politique austéritaire, moyennant un simple décalage de l’application de la réforme des retraites.

Depuis, la vie politique française s’est enlisée, de nouveau, dans les manœuvres et les postures parlementaires. Il s’en dégage un ennui mortel et une évidence : la seule majorité effective, à l’Assemblée nationale, est constituée de tous les députés qui ne veulent pas d’élection législative anticipée. Ils clament haut et fort leurs « désaccords » et leurs « convictions », mais en bout de course, à l’heure du vote final, ils ont un seul mot d’ordre : « j’y suis, j’y reste ! ».

Cette « majorité » permettra peut-être à Lecornu de survivre à l’épreuve du budget, et même au-delà. Si c’est le cas, cela ne peut qu’aggraver le rejet de la démocratie bourgeoise dans l’esprit de millions d’exploités et d’opprimés, sur fond de coupes budgétaires et de misère croissante. Sous les dehors de la « stabilité politique », la crise de régime du capitalisme français poursuit son cours inéluctable et, à terme, explosif. Ainsi travaille la taupe de la révolution, pour reprendre une célèbre image de Karl Marx.

La danse du grand capital

L’échafaudage des compromis, des lâchetés et des hypocrisies sur lequel s’appuie Lecornu, à l’Assemblée nationale, pourrait s’effondrer sous l’impact de grands événements – qui, en règle générale, se déroulent à l’extérieur du Palais Bourbon et ne respectent pas le calendrier électoral français.

Les analystes bourgeois sérieux le savent et le disent : l’économie mondiale s’approche d’une nouvelle crise majeure. Il est impossible d’en prédire l’échéance et l’ampleur, mais tous les éléments d’une explosion des bulles spéculatives, sur les marchés financiers, sont en train de s’accumuler. Une telle « correction » aura des effets dévastateurs sur l’économie réelle, et donc sur les courbes du chômage et de la pauvreté.

La dégradation de la conjoncture mondiale frappera de plein fouet l’économie française, dont la compétitivité décline depuis plusieurs décennies. Par ailleurs, sa dette publique est scrutée par les vautours qui la financent. Les taux d’intérêt des obligations d’Etat françaises peuvent flamber du jour au lendemain.

Soulignons, au passage, l’absurdité foncière d’un système économique dont la crise se prépare, au vu et su de tous, sans que les classes dirigeantes n’y puissent quoi ce que soit. Le fait est qu’elles ne peuvent littéralement rien faire – à part profiter au maximum de la gabegie spéculative, en attendant le désastre. Ceci a été très bien formulé, juste avant la crise de 2008, par un certain Charles Prince, alors PDG de la banque américaine Citigroup : « Quand la musique s’arrêtera, les choses se compliqueront. Mais tant qu’il y a de la musique, il faut se lever et danser ».

En effet : les lois fondamentales de la course aux profits obligent les gros investisseurs à « se lever et danser », c’est-à-dire à se gaver de capitaux fictifs, spéculatifs, pour défendre leurs parts de marché et tenter d’en conquérir de nouvelles. Puis, lorsque la musique s’arrêtera, les gros capitalistes se tourneront vers les Etats, qui s’efforceront de sauver les grandes multinationales à coup de dizaines et de centaines milliards d’euros d’argent public, puis présenteront la facture aux citoyens ordinaires, aux jeunes, aux travailleurs, aux classes moyennes, aux retraités et aux chômeurs. C’est pour eux – et pour eux seuls – que « les choses se compliqueront » vraiment. Il ne peut pas en aller autrement sous le capitalisme.

Hémorragie industrielle

Avant même qu’une crise mondiale n’éclate, l’économie française subit une hémorragie industrielle dont l’ampleur s’aggrave sans cesse. Selon les chiffres du cabinet Trendeo, que rapportent Les Echos du 9 décembre, « environ 165 sites industriels sont menacés depuis septembre dans toute la France, contre 120 sur la même période l’année dernière ».

L’article des Echos souligne que « des pans entiers de l’industrie sont à vif – l’automobile, la métallurgie, la chimie… –, heurtés par la concurrence asiatique et le coût de l’énergie, qui reste à un niveau élevé. De manière inédite, l’agroalimentaire vacille à son tour […]. Au premier semestre, selon Trendeo, il a été le secteur le plus touché par des fermetures d’usines, avec 13 fermetures nettes (Blédina, Paul Prédault…). » Une crise mondiale aggravera brutalement cette tendance.

Dans ce contexte, diverses organisations de gauche revendiquent « l’interdiction des licenciements ». La direction de la CGT parle seulement d’un « moratoire sur les licenciements ». Passons sur cette nuance – caractéristique de la modération des dirigeants de la CGT – et allons au cœur du sujet.

L’interdiction des licenciements est évidemment un mot d’ordre progressiste. Cependant, il faut poser la question : qui va interdire les licenciements ? Certainement pas l’actuel gouvernement. Seul un gouvernement des travailleurs pourra prendre une telle mesure à l’échelle nationale. Or les capitalistes répliqueront, à coup sûr, au moyen d’un gel des embauches, d’une grève des investissements et d’une fuite des capitaux. En réponse, le gouvernement des travailleurs devra exproprier les grands leviers de l’économie et les placer sous le contrôle démocratique des salariés. Il n’y aura pas d’autre moyen de défendre tous les emplois.

Même en l’absence d’un gouvernement des travailleurs, la lutte contre les licenciements est indissociable de la lutte générale pour le contrôle ouvrier de la production. Lorsqu’une entreprise est menacée de fermeture ou d’un plan social, les salariés doivent l’occuper, en prendre le contrôle effectif et lutter pour sa nationalisation. C’est plus facile à dire qu’à faire, bien sûr ; mais si les grandes organisations du mouvement ouvrier faisaient sérieusement campagne sur un tel programme, elles rencontreraient un puissant écho dans la masse de la classe ouvrière.

Un message de Grande-Bretagne

Lénine soulignait que le capitalisme est « une horreur sans fin ». C’est vrai à tous les niveaux : économique, social et militaire. L’intensification des rivalités interimpérialistes, sur fond de crise organique du capitalisme mondial, se traduit fatalement par une multiplication des guerres pour la conquête de marchés, de zones d’influence et de sources de matières premières.

Le génocide des Gazaouis est une illustration flagrante de la sauvagerie du capitalisme. Les impérialistes ont transformé l’ensemble du Moyen-Orient en une immense poudrière. Dans le Donbass, les dirigeants européens sont prêts à se battre jusqu’à la dernière goutte de sang… ukrainien. Au Soudan, les intrigues impérialistes ont soufflé sur les braises de la guerre civile. En Amérique latine, Trump menace directement le Venezuela et la Colombie. Et ainsi de suite : « une horreur sans fin ».

Comment y mettre un terme définitif ? En renversant le système capitaliste, dont l’impérialisme est le stade suprême. Dans les pays occidentaux, notre premier devoir est de renverser notre propre classe dirigeante – et non Poutine ou Khamenei, dont les travailleurs russes et iraniens doivent se charger eux-mêmes.

La perspective d’une transformation socialiste de la société retrouvera une place centrale au sein du mouvement ouvrier : ce sont les événements qui lui fraient un chemin. En Grande-Bretagne, Zarah Sultana – qui dirige un tout nouveau parti de gauche, « Your Party » – a récemment déclaré : « Dans notre pays, la minorité des super-riches ont triplé leur fortune depuis 2010. Cinquante familles possèdent davantage que la moitié de la population. Donc il faut taxer les riches, mais il faut aussi nationaliser l’ensemble de l’économie : […] les transports et l’énergie, bien sûr, mais il faut aller plus loin. Il faut s’occuper des banques, de la construction, de l’ensemble de l’économie ».

Zarah Sultana n’est pas marxiste. Face aux très vives protestations et objections suscitées par ses propos, elle n’a pas toujours su quoi répondre. Il n’empêche : en quelques phrases, elle a formulé une idée fondamentale dont la mise en œuvre, en Grande-Bretagne comme à l’échelle mondiale, est la seule voie hors de l’enfer capitaliste. Il est grand temps que le mouvement ouvrier français entende ce message venu d’outre-Manche – et en tire toutes les conclusions.


Sommaire

Le capitalisme : une horreur sans fin - Edito du n°96
Le n° 7 de Défense du marxisme est sorti !
Succès des écoles révolutionnaires du PCR
Brèves
Austérité dans les bibliothèques parisiennes
ACI : quand la crise industrielle attire les charognards
Six mois de grève reconductible à Antinéa
La dermatose nodulaire, le Mercosur et la colère des paysans
Où va l’argent public ?
Notre position sur les élections municipales
Unité de classe contre l’islamophobie !
COP 30 : les COP passent et se ressemblent
La bourgeoisie française et le spectre de la « menace russe »
Les bulles spéculatives menacent l’économie mondiale
Chili : pourquoi l’extrême droite a remporté la présidentielle ?
La Cisjordanie au bord de l’explosion
Jacques-Louis David, peintre de la révolution bourgeoise
Hugo Chavez et la révolution vénézuélienne
Comment ça Marx : Tous « privilégiés » ?!
PAS TOUCHE AU VENEZUELA !

Le Parti Communiste Révolutionnaire n’est soutenu par aucune grande fortune et ne touche pas de subventions publiques. Nos ressources financières proviennent intégralement de nos militants, de nos sympathisants et de nos lecteurs.

En achetant nos livres, nos brochures et notre matériel politique, vous soutenez directement notre activité et nos idées.

Commandez dès maintenant !

Tu es communiste ? Rejoins-nous !

Un membre du PCR s'implique directement dans le travail du parti. Cela signifie recruter d'autres communistes et les organiser dans des cellules communistes, tout en étudiant la théorie marxiste et en diffusant les idées communistes dans le mouvement. Le parti fournira des ressources politiques, des conseils et des outils pour t'aider dans cette activité.

Un soutien du PCR contribue à la construction du parti en payant une cotisation mensuelle, et n'est pas obligé de participer activement au travail quotidien du parti. Tu recevras un abonnement PDF au journal mensuel du parti, Révolution.

Nous sommes entièrement autofinancés. L'argent récolté nous permet de financer nos locaux, de développer notre maison d'édition et notre journal, d'imprimer des affiches et des tracts. En mettant en place une cotisation mensuelle, tu nous aideras à construire un authentique Parti Communiste Révolutionnaire !