Les élections municipales des 15 et 22 mars prochain auront une signification et des implications nationales. De nombreux électeurs ne voteront pas seulement pour un programme local, mais d’abord et surtout pour soutenir l’un des partis qui prétendent gouverner le pays à l’issue des prochains scrutins nationaux.
Des millions de jeunes et de travailleurs s’apprêtent à voter pour les listes de la France insoumise. Des dizaines de milliers de militants et sympathisants de la FI vont s’impliquer dans la campagne électorale, les porte-à-porte, les distributions de tracts et collages d’affiches, les meetings et réunions publiques, etc.
Des listes d’« extrême gauche » tâcheront de faire entendre leurs voix. Elles trouveront sans doute un écho dans une toute petite couche de la jeunesse et du salariat. Mais elles ne pourront pas rivaliser avec les listes de la FI, sur lesquelles se portera l’écrasante majorité de l’électorat de gauche le plus radicalisé.
Le PCR appellera à voter pour les listes de la FI. Nous serons aux côtés de tous ceux qui veulent renforcer la position de ce mouvement face à la droite et au RN, mais aussi face à l’aile droite du réformisme (PS, Verts et PCF). Ce faisant, nous défendrons nos idées et notre programme révolutionnaires. Par exemple, dans les universités où nous sommes actifs, nous appellerons les étudiants à voter pour la FI, mais nous en profiterons pour leur expliquer la différence irréductible entre nos idées marxistes et les idées confuses du réformisme. Cette approche nous permettra de faire progresser nos idées communistes dans la fraction de la jeunesse qui soutient la FI.
Les angoisses d’Olivier Faure
Le soir du premier tour, la FI pourrait arriver en tête de la gauche dans un grand nombre de villes. Cette perspective sème la panique aux sommets du PS, qui a de très nombreux élus municipaux – et donc beaucoup à perdre. Faute d’arguments sérieux, les dirigeants du PS accusent la FI de « diviser la gauche » au profit de la droite. Le 25 novembre, sur Franceinfo, Olivier Faure attaquait les dirigeants de la FI dans les termes suivants : « Quel est leur objectif dans la vie ? Etre les idiots utiles de la droite ? Ou sont-ils prêts, au contraire, à être les renforts de la gauche ? ».
Demander à la FI de jouer les « renforts de la gauche » ne manque pas de sel. Rappelons que Mélenchon a recueilli 22 % des voix en avril 2022, contre 1,7 % pour le PS, 4,6 % pour les Verts et 2,3 % pour le PCF. Jusqu’à preuve du contraire, la FI domine largement le reste de « la gauche ». Aux européennes de juin 2024, les 13,8 % de Raphaël Glucksmann – sur fond d’abstention massive – ne marquaient pas une nette progression du PS chez les jeunes et les travailleurs de gauche. Cette candidature « centriste », néo-macroniste, a surtout siphonné de larges fractions de l’électorat petit-bourgeois des macronistes et des Verts.
Quant aux « idiots utiles de la droite », c’est une formule qui caractérise beaucoup mieux le PS que la FI. Ces dernières décennies, les capitulations et trahisons des gouvernements « socialistes » ont préparé, chaque fois, le retour de la droite au pouvoir. Elles ont aussi joué un rôle central dans l’ascension du RN. Enfin, les plus remarquables « idiots utiles de la droite », ces temps-ci, ce sont évidemment les députés « socialistes ». En refusant de censurer Lecornu, ils ont prolongé la vie d’un gouvernement de droite, d’un gouvernement réactionnaire qui mène une politique d’austérité au profit des plus riches. Au passage, le PS a rendu un grand service aux députés macronistes et LR, car ces derniers n’ont pas très envie de tester leur « popularité » dans le feu d’élections législatives anticipées.
Un nouveau cadeau de la FI au RN
Les sympathisants de la FI rejettent avec mépris les jérémiades hypocrites d’Olivier Faure, si tant est qu’ils y prêtent la moindre attention. En fait, nombre d’entre eux demandent une rupture nette de la FI avec le PS, à juste titre.
Cependant, ce n’est pas du tout le chemin que prend la direction de la FI. Le 2 décembre dernier, sur BFMTV, Manuel Bompard déclarait que « partout où la France insoumise sera en tête de la gauche au soir du premier tour [des élections municipales], elle proposera à toutes les autres listes de gauche de se rassembler et de fusionner pour battre la droite et l’extrême-droite ». Il ajoutait que dans les cas où une autre liste « de gauche » serait en tête à l’issue du premier tour, la FI serait également disposée à la fusion. D’autres dirigeants du mouvement l’ont confirmé : entre les deux tours, la FI proposera la fusion systématique de toutes les « listes de gauche ».
Ceci n’a de sens que du point de vue de l’électoralisme le plus étroit, le plus borné, qui vise uniquement à garantir à la FI un certain nombre d’élus dans les prochains conseils municipaux. Pour le reste, c’est un nouveau cadeau au RN, qui aura beau jeu de se présenter comme « la seule » opposition conséquente au macronisme. En fusionnant systématiquement avec les autres listes « de gauche », la FI se discréditera – une fois de plus – auprès de larges couches de jeunes et de travailleurs qui, pour d’excellentes raisons, détestent le PS, mais aussi les Verts et le PCF. Par exemple, l’abstention des Verts sur le budget austéritaire de la sécurité sociale, le 9 décembre dernier, n’est pas passée inaperçue. Dans le contexte actuel, les alliances formelles de la FI avec l’aile droite du réformisme (PS, PCF et Verts) ne peuvent que bénéficier au parti de Marine Le Pen.
Pour justifier cette position, Manuel Bompard avance l’objectif de « battre la droite et l’extrême droite ». Cet argument est totalement irrecevable. D’une part, un bon nombre d’élus « socialistes » ne se distinguent plus en rien des macronistes. D’autre part, il n’est pas vrai que la fusion des listes soit requise pour « battre la droite et l’extrême droite ». De simples désistements y suffiraient – au cas par cas et décidés par les militants locaux de la FI. Ils pourraient même être plus efficaces, car politiquement plus cohérents. Quoi qu’il en soit, les candidats de la FI peuvent contribuer à « battre la droite et l’extrême droite » sans avoir à se compromettre dans des listes communes avec des partis « de gauche » discrédités et dont toute l’activité, depuis juillet 2024, consiste à garantir la « stabilité politique » du macronisme finissant.
Dans la même interview, Manuel Bompard affirme que la fusion des listes de gauche, au deuxième tour des élections municipales, remonte à « la nuit des temps ». C’est un argument absurde. Une tactique correcte doit s’appuyer non sur des traditions ancestrales, mais sur la situation politique présente et sur la façon dont elle se reflète dans la conscience des masses exploitées. Dans le contexte actuel, s’ils fusionnent systématiquement avec les autres « listes de gauche » au deuxième tour, les dirigeants de la FI vont renforcer politiquement la droite et, surtout, le RN.
Le programme de la FI
Un autre dirigeant national de la FI, Paul Vannier, a formulé la même idée que Manuel Bompard, mais en y ajoutant une « condition » programmatique : « Partout où nous serons en tête au soir du premier tour, nous proposerons aux autres listes de gauche prêtes à défendre avec nous un programme de rupture de nous retrouver pour battre la droite, pour battre l’extrême droite, pour changer la vie vraiment. » Ce n’est pas sérieux. A l’heure de sauver son siège de conseiller municipal, le dernier des bureaucrates « socialistes » sera prêt à « défendre » – cinq jours durant – « un programme de rupture » qu’il répudiera une fois réélu. Les expériences de la Nupes et du NFP ne l’ont-elles pas suffisamment démontré ?
Au lieu de proposer sans cesse à l’aile droite du réformisme de « défendre un programme de rupture », les dirigeants de la FI feraient mieux de radicaliser leur propre programme. Comme nous l’écrivions dans un article défendant la nécessité d’une « rupture formelle de la FI avec l’aile droite du réformisme », cela « doit s’accompagner d’un virage à gauche de la FI sur le plan programmatique. Nous ne demandons pas à ses dirigeants d’adopter notre programme, celui du marxisme révolutionnaire. Mais en défendant vigoureusement une série de mesures s’attaquant au pouvoir de la classe dirigeante – comme la nationalisation des banques, des transports, de l’énergie et de la grande industrie –, la FI susciterait beaucoup d’enthousiasme dans la jeunesse et le salariat. Au passage, cela jetterait le RN sur la défensive, car les dirigeants de ce parti bourgeois jusqu’au bout des griffes seraient obligés de prendre nettement position contre les nationalisations, ce qui sèmerait le trouble dans l’électorat ouvrier du RN. »
Nous l’avons dit : les élections municipales de mars prochain auront une signification et des implications nationales. De nouvelles erreurs droitières de la FI, à cette occasion, mineront ses chances de victoire aux prochaines élections nationales. Tous les militants de la FI qui le comprennent doivent le faire savoir à leurs dirigeants et exiger un changement de ligne.

