Fin novembre, treize soldats français sont morts dans le Sahel malien, lors d’une opération visant des djihadistes. Le même mois, une attaque de l’Etat islamique tuait 54 soldats maliens – tandis qu’une autre, début décembre, tuait 71 soldats nigériens.

Tous ces morts viennent rappeler que l’armée française est engluée au Sahel depuis 2013, dans une guerre qui semble interminable.

Une guerre impérialiste

Lancée en janvier 2013 par François Hollande, l’opération « Serval » (devenue « Barkhane ») visait à sauver l’unité de l’Etat malien, alors au bord de l’effondrement. Début 2012, une offensive conjointe de rebelles touaregs et de djihadistes avait soustrait le nord du pays à l’autorité de Bamako. Puis, en mars 2012, un coup d’Etat militaire renversait le gouvernement malien.

Cette situation était la conséquence directe de l’intervention de l’OTAN en Libye, en 2011. La destruction de l’Etat libyen, sous les bombes franco-britanniques, a ouvert aux quatre vents les immenses arsenaux de Kadhafi – et renvoyé chez eux ses nombreux mercenaires touaregs. Revenus en force au Mali, ces combattants expérimentés ont facilement bousculé une armée malienne sous-équipée et rongée par la corruption.

A Paris, ces développements ont provoqué la stupeur, car le Mali est une pièce maîtresse de l’impérialisme français en Afrique. Pour ses matières premières (notamment l’uranium exploité par AREVA, aujourd’hui ORANO), mais pas seulement. Contrairement à une idée répandue à gauche, les guerres impérialistes ne se font pas uniquement pour la conquête ou la défense immédiates de sources de matières premières. Les questions stratégiques et diplomatiques jouent aussi un grand rôle. De ce point de vue, la situation géographique du Mali lui donne toute son importance. Il s’agissait aussi, pour Paris, de rassurer tous ses vassaux africains, en démontrant sa capacité à intervenir par la force quand le besoin s’en fait sentir.

De l’intervention éclair au bourbier

L’idée d’origine était simple : l’armée française allait écraser les djihadistes, restaurer un gouvernement stable à Bamako et l’aider à reconstruire une armée malienne autonome pour, très vite, lui confier la suite des opérations. Sur le papier, c’était parfait ! Mais l’armée est toujours, dans une certaine mesure, le reflet de la société qu’elle défend. Dès lors, comment reconstruire une armée malienne viable sur la base d’un Etat malien archicorrompu et dépendant complètement du soutien français ?

Facteur supplémentaire de déstabilisation : le régime installé par la France a joué des divisions ethniques et linguistiques pour se maintenir. En montant les communautés les unes contre les autres, il a pu jouer à son profit des conséquences de la crise économique. Des massacres interethniques se sont multipliés, avec la complicité parfois active de l’armée. Des régions entières sont aujourd’hui complètement privées de services publics – et même d’administration.

Dans ce chaos, les troupes françaises ont été forcées de s’appuyer de plus en plus sur leurs anciens ennemis des mouvements touaregs, qu’elles étaient venues combattre en 2013. En effet, ces mouvements sont souvent les seuls qui sont assez expérimentés pour combattre les djihadistes. Problème : ils demandent, en échange, une autonomie accrue de leur territoire. Cela place la France en porte-à-faux vis-à-vis de Bamako, qui espère restaurer son autorité sur un nord du Mali – toujours de facto sous contrôle touareg.

Parallèlement, les diverses tentatives de déléguer le conflit à des armées africaines ont échoué. Le « G5 Sahel » [1], régulièrement brandi comme un totem par la diplomatie française, est à l’arrêt faute de moyens financiers. Les appels français à une aide militaire des pays européens ont suscité comme seule réponse l’envoi de trois hélicoptères britanniques et d’une cinquantaine de soldats estoniens. Les classes dirigeantes européennes ne sont pas enthousiastes à l’idée de sacrifier des soldats (et beaucoup d’argent) pour défendre les intérêts de la seule bourgeoisie française. Quant à Donald Trump, il menace de retirer les troupes américaines de toute l’Afrique de l’Ouest.

Les rebelles à l’offensive

Les djihadistes n’ont eu qu’à profiter du chaos pour se reconstruire et étendre leurs zones d’opérations. Auparavant réfugiés aux confins du Sahara, dans le nord du Mali, les organisations djihadistes sont aujourd’hui actives dans le centre du pays – mais aussi au Niger, au Burkina Faso et au Cameroun. Face aux faiblesses et à la corruption des armées locales, les troupes françaises ont dû renforcer leur engagement. En vain. Depuis 2014, aucune opération d’ampleur n’a pu enrayer la montée en puissance des djihadistes. En 2017, au Niger, l’Etat islamique a même mené une embuscade meurtrière et largement médiatisée contre une unité des forces spéciales américaines.

Malgré l’impasse de l’impérialisme français dans cette région, un retrait militaire pur et simple est inadmissible pour la bourgeoisie française. Un tel aveu d’échec reviendrait à abandonner la région à des puissances impérialistes rivales, dont la Chine. Pour défendre ses positions africaines, l’impérialisme français est donc condamné à prolonger une guerre meurtrière. Raison de plus pour le renverser !


[1] En sont membres le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad.

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