Les 18 et 19 juin derniers, une traque massive des sans-papiers a été organisée par le ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Officiellement qualifiée d’« opération nationale de contrôle des flux », elle a mobilisé 4000 policiers, gendarmes et douaniers, qui ont procédé pendant 48 heures à un renforcement massif des contrôles d’identité administratifs dans les gares, les trains et les bus – en particulier dans les zones frontalières. Le Média a signalé « des pratiques de fichage illégal d’étrangers (…) à Nantes et en Seine–Saint-Denis ». Des passants ont rapporté que des policiers leur avaient demandé de dénoncer les sans-papiers qu’ils connaissaient.
Malgré leur ampleur, ces rafles n’ont rien d’inédit. Des opérations du même genre ont déjà eu lieu les 20 et 21 mai derniers. Elles avaient mené à 750 interpellations, 245 OQTF et 334 placements en rétention. De manière générale, les interpellations d’« étrangers en situation irrégulière » sont en hausse : 47 000 depuis le début de l’année, s’est félicité le ministre de l’Intérieur lors d’une conférence de presse. Dans le même temps, les conditions de régularisation sont régulièrement durcies, comme ce fut récemment le cas avec la « circulaire Retailleau » publiée le 2 mai [1].
Racisme et hypocrisie
Retailleau lui-même a expliqué sans détour le message qu’il souhaite faire passer : « Ce que je veux dire, c’est que les clandestins ne sont pas les bienvenus en France de la façon la plus ferme et définitive. » Mais ces déclarations sont totalement hypocrites. La bourgeoisie française ne veut absolument pas mettre fin à l’immigration clandestine, car elle a besoin de cette main d’œuvre bon marché, privée de tout droit démocratique, qu’elle peut exploiter à sa guise. Ce faisant, elle exerce une pression à la baisse sur les salaires de l’ensemble des travailleurs. La bourgeoisie joue donc un double jeu répugnant.
Avec ces rafles, elle cherche notamment à créer un climat de terreur, pour plonger encore plus profondément les travailleurs sans-papiers dans l’isolement social. Nous expliquons souvent que sans organisation, les travailleurs ne sont que de la matière brute pour l’exploitation. En faisant peser la menace constante d’une expulsion, la bourgeoisie veut briser toute tentative d’organisation des travailleurs immigrés – et ce dans le but de les exploiter encore plus brutalement.
Cette opération est indissociable de la propagande raciste permanente, et de plus en plus bruyante, contre les immigrés. Ils sont une cible de choix pour la bourgeoisie française, qui répand le poison du racisme afin de diviser les travailleurs suivant des lignes nationales et ethniques. De fait, le racisme est l’un des derniers piliers de stabilité du régime capitaliste français. Les immigrés et les musulmans sont les boucs émissaires vers lesquels le pouvoir s’efforce de détourner la colère sociale croissante, dans le pays, face au chômage, aux politiques d’austérité et au délabrement des services publics.
Solidarité spontanée et mouvement ouvrier
Les rafles ont suscité une vague d’indignation ; un élan de solidarité s’est spontanément manifesté en réponse à l’annonce des premiers contrôles. Des associations d’aide aux migrants ont collé des affiches, autour des gares, pour prévenir du risque de rafles, et ces appels ont été relayés sur les réseaux sociaux. Des actions ont aussi eu lieu dans les gares afin de bloquer les policiers et leur faire perdre du temps lors des contrôles.
Il y a là un parallèle frappant avec les rafles brutales menées par les services d’immigration et de douane américains (ICE), à Los Angeles, début juin [2]. Des milliers de jeunes et travailleurs américains sont descendus spontanément dans les rues pour s’opposer à la police, bloquer les fourgons de l’ICE, aider leurs voisins et collègues interpellés. De grandes manifestations ont été organisées. Cela montre la solidarité de classe instinctive face à ces violentes attaques contre les immigrés, qui ont lieu dans de nombreux pays.
Cependant, ces actions spontanées ont leurs limites. A elles seules, elles ne peuvent pas mettre un terme aux politiques racistes des gouvernements bourgeois. Par contre, elles peuvent servir de point de départ à une mobilisation massive. Pour cela, elles doivent être coordonnées et impliquer l’ensemble du mouvement ouvrier organisé. Or c’est précisément ce qui manque aux Etats-Unis, et ce qui explique pourquoi le mouvement spontané contre l’ICE commence à refluer.
La lutte pour les droits des sans-papiers n’est pas une question morale ; c’est une question de classe. Le mouvement ouvrier doit lutter pour la régularisation de tous les sans-papiers. Cette mesure couperait l’herbe sous le pied de la bourgeoisie, qui profite de l’extrême précarité des travailleurs sans-papiers pour les surexploiter. Dans le cadre d’une vaste campagne de syndicalisation des travailleurs sans-papiers, l’unité et la force de la classe ouvrière organisée s’en trouveraient grandement renforcées. Sur cette base, une grande campagne d’agitation pourrait être menée pour revendiquer des salaires décents et des droits démocratiques pour les travailleurs étrangers et, par conséquent, une hausse générale de tous les salaires. Ce serait une illustration concrète du fait que, contrairement à ce qu’explique la propagande de la classe dirigeante, le problème central n’est pas l’immigration, mais la bourgeoisie et son système.
[1] Lire notre article : « Circulaire Retailleau : une nouvelle attaque contre les immigrés » (5 juin 2025)
[2] Lire notre article : « Los Angeles : les travailleurs résistent aux raids de Trump » (11 juin 2025)