Le 22 janvier dernier, le PCR est intervenu lors d’un rassemblement à Bercy, organisé par la Fédération nationale des industries chimiques (FNIC) de la CGT. Nous avons rencontré Patrick, délégué syndical Michelin du site de Clermont-Ferrand.
Le 5 novembre dernier, la direction de Michelin a annoncé la fermeture de deux usines en France, à Vannes (56) et Cholet (49). Ces usines, spécialisées dans la fabrication de pneus pour camions, camionnettes et textile d’armatures, seraient jugées « non rentables » par la direction, en raison de la concurrence internationale. Depuis, les travailleurs de ces sites sont entrés en grève illimitée. L’Usine de Clermont-Ferrand est aussi entrée en grève illimitée, en solidarité avec Vannes et Cholet.
Ces fermetures entraîneront le licenciement de 1254 salariés directs, sans compter les répercussions sur les sous-traitants dont l’activité repose exclusivement sur Michelin. « Ce sont 1250 licenciés chez Michelin, mais si on inclut toutes les petites entreprises qui en dépendent, on peut facilement atteindre 1500 emplois supprimés », estime Patrick. « Certains sont là depuis 17 ans. Leurs familles sont brisées par cette fermeture. Certains finissent chez le psy, d’autres sombrent... Et la direction leur laisse à peine une miette de pain. »
Une concurrence auto-organisée
Selon le délégué syndical, cette soi-disant perte de marché n’est qu’un prétexte. Michelin, leader mondial du pneumatique, possède près de 20 sous-marques qui s’auto-concurrencent, comme Kleber pour le haut de gamme ou Riken, une marque japonaise que Michelin a rachetée et qui exporte vers les États-Unis et l’Europe. L’entreprise détient aussi des usines en Amérique du Sud et en Chine.
Derrière ces fermetures, l’objectif réel est de délocaliser et réduire les coûts de production : « Par exemple, l’une des usines qui ferme aujourd’hui produisait des pneus pour le marché nordiste, que Michelin prétend avoir perdu. Or, dans le même temps, une usine similaire de Michelin est en train d’ouvrir en Thaïlande pour produire exactement les mêmes pneus, destinés à ce même marché. »
Cette stratégie permet aussi de justifier le sous-investissement dans les usines françaises, au profit de pays européens à main-d’œuvre moins chère, comme la Pologne. Ce manque d’investissement a des conséquences directes sur les conditions de travail : « Les équipes de nuit ont été divisées par deux : avant, elles comptaient une vingtaine d’ouvriers, aujourd’hui si on en a dix, c’est un miracle. Le sous-effectif chronique force les ouvriers en 3x8 à travailler dans l’incertitude, ne connaissant parfois leur planning que le vendredi soir pour le lundi suivant. Aussi, Michelin a mis en place de nouvelles règles de sécurité, pour prévenir les accidents, mais qui excluent les risques psycho-sociaux. On ne peut pas accompagner un collègue en souffrance à l’infirmerie, mais celui qui fait un burn-out, on le harcèle. C’est Michelin qui crée ces situations de détresse. Avec le sous-effectif, on court partout, la qualité en pâtit et on nous menace à cause de ces erreurs. Beaucoup ont peur de venir travailler par crainte de commettre une faute. »
En résumé, Michelin organise sa propre concurrence pour justifier les fermetures, délocalisations et détérioration des conditions de travail. Ces stratégies n’ont qu’un but : maximiser les profits des actionnaires, quitte à jeter ceux qui créent la richesse de l’entreprise - les salariés - dans la misère.
Grèves reconductibles et nationalisations !
Sur les sites de Vannes et de Cholet, la grève n’a pas permis, pour l’instant, d’obtenir la sauvegarde des emplois : « Dès l’annonce de la fermeture des usines par la direction, la lutte a commencé. Mais nous savons que la fermeture est inévitable, et nous nous battons désormais pour obtenir des conditions de départ dignes. La direction proposait initialement une prime de 35 000 €, elle est montée à 40 000 €, mais nous exigeons bien plus. Elle justifie ce montant en s’appuyant sur un précédent plan social, mais cet argument ne tient pas compte de l’évolution du coût de la vie. » En effet, si la grève reste isolée, les sites fermeront et la lutte se cantonnera à négocier de meilleures conditions de départ pour les salariés. Les travailleurs de Clermont-Ferrand l’ont bien compris, et leur grève est un pas en avant.
La CGT devrait mener une vaste campagne d’agitation pour étendre la grève illimitée à tous les sites menacés de fermetures dans le pays, en expliquant aux travailleurs la nécessité d’occuper les usines. La Fédération nationale des industries chimiques de la CGT revendique la nationalisation des grands groupes industriels sous contrôle ouvrier. C’est effectivement la voie à suivre ! Ce programme devrait être porté par l’ensemble de la CGT, notamment par sa direction confédérale. Si ce mot d’ordre était martelé aux quatre coins du pays, il aurait un impact considérable sur la combativité des centaines de milliers de travailleurs industriels menacés de licenciement. Leur mobilisation massive serait un phare pour de nombreux secteurs qui subissent la dégradation continue de leurs conditions de travail, les attaques répétées de la classe dirigeante et toutes les conséquences de la crise organique du capitalisme.