Une mobilisation d’une ampleur inédite traverse le groupe Thales. Tandis que ses actionnaires engrangent des profits records – nourris par les guerres impérialistes et la militarisation à l’échelle mondiale – les salariés subissent une pression croissante pour accélérer les cadences et dénoncent des hausses de salaire dérisoires au regard des résultats du groupe.

Profits records et mépris des salariés

Thales annonce des résultats exceptionnels pour 2024, avec 21 milliards d’euros de chiffre d’affaires (en hausse de 11,7 % par rapport à 2023) et 2,4 milliards de résultats nets. Dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO), la direction n’a accordé aux salariés qu’une moyenne de 2 % d’augmentation de salaire. Ce mépris a fait surgir une colère qui couvait depuis longtemps, comme nous l’a expliqué Dominique Ferrachat, délégué syndical central CGT de Thales AVS, salarié du site de Toulouse Basso Cambo :

« le catalyseur de la colère, ce sont ces 2 %, mais ce n’est pas qu’une question de salaire. Il y a aussi les conditions de travail et les suppressions de postes. Bref, c’est un ensemble de choses qui se sont accumulées. Il y avait un contraste énorme entre ce qu’on nous propose et ce qu’on apprenait : des dirigeants recevant des actions pour des montants allant de 150 000 à 1 million d’euros. Et début mars, la direction a annoncé des résultats exceptionnels pour 2024. Tout cela, combiné à une politique salariale injuste, a provoqué cette mobilisation unique ».

« Effet boule de neige »

Depuis janvier, des actions ponctuelles ont eu lieu sur plusieurs sites de Thales, sous forme de barrages filtrants et de rassemblements. Mais en deux mois de mobilisation, la direction n’avait rien concédé : « on a décidé de passer à une autre forme de lutte » , explique Dominique. « On a arrêté les mobilisations devant le site avec les barrages filtrants, les blocages ponctuels, etc. Il n’y a eu aucun résultat. Maintenant on est parti en grève dure ».

L’intersyndicale (CGT, CFDT, CFTC, SUPPer et CFE-CGC) du site de Mérignac a décidé d’intensifier le mouvement localement, en appelant à la grève reconductible à partir du 19 mars. Les ouvriers et les techniciens ont engagé la grève, puis les ingénieurs ont suivi. Le site de Mérignac fabrique le radar RBE2, embarqué sur les avions de chasse Rafale. 80 % de la production de l’usine est à l’arrêt.

Les salariés du site de Toulouse – qui travaillent aussi sur le Rafale – ont décidé de rejoindre le mouvement depuis le 8 avril : « Comme les équipes de Mérignac et de Toulouse travaillent en lien autour du Rafale, les discussions entre salariés ont permis à la dynamique de s’étendre. En plus, à Toulouse, dans les équipes du Rafale, il y a beaucoup de militants CGT, qui ont su entraîner les collègues. On a lancé des grèves reconductibles dès le mardi 8 avril à Toulouse pour rejoindre le mouvement de Mérignac et leur apporter notre soutien. Pour les grévistes de Mérignac, savoir que d’autres sites se mobilisent aussi, ça motive – et pareil pour nous. Ça s’alimente : c’est un effet boule de neige ! »

Et la « boule de neige » ne s’est pas arrêtée là : le 10 avril, 1500 travailleurs de Thales, Dassault, ArianeGroup, CGi et Akkodis ont manifesté ensemble à Mérignac sous la bannière : « Pour une meilleure répartition des richesses ».

Contre le militarisme et l’impérialisme !

Paniqué par la dynamique du mouvement et l’arrêt de la production à Mérignac, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a été forcé de soutenir à demi-mots les revendications des grévistes : « Sur l’effort de défense, il ne peut pas y avoir de doute sur la juste répartition de cette richesse. » Sous la pression, Patrice Caine, directeur général du groupe Thales, s’est dit prêt à rouvrir les négociations.

Rien ne garantit que ces négociations aboutiront à des avancées suffisantes, mais ce léger recul de la direction confirme une chose : seule la grève reconductible permet d’imposer un véritable rapport de force. Pour gagner, les travailleurs devront la maintenir et l’étendre.

La dynamique actuelle du mouvement ouvre des opportunités à saisir. La manifestation unitaire du 10 avril allait dans la bonne direction. Les syndicats et les salariés grévistes doivent maintenant lancer des appels au maximum de travailleurs de l’industrie de l’armement pour qu’ils engagent, eux aussi, la grève illimitée.

Par ailleurs, ces mobilisations pour des hausses de salaires et de meilleures conditions de travail doivent se lier à une lutte globale contre le militarisme et l’impérialisme. Les profits de Thales sont directement liés aux guerres impérialistes – comme la guerre en Ukraine ou le génocide des Gazaouis – et à la politique actuelle de réarmement des impérialistes européens.

Les sommes colossales d’argent public que l’Etat s’apprête à dépenser dans l’armement préparent les prochaines coupes dans la Santé, l’Education et les services publics. Les syndicats du secteur doivent dénoncer cette course au militarisme et les politiques d’austérité qui en résultent. Il faut lutter pour la nationalisation de Thales, Dassault et tous les géants de l’armement, sous le contrôle démocratique des salariés. La haute qualification des travailleurs de l’armement pourrait alors être réorientée vers des alternatives industrielles socialement utiles à la population – sans la moindre suppression de poste.

Caisse de grève de Toulouse

Caisse de grève de Mérignac