Le 7 décembre dernier, l’oligarchie péruvienne obtenait la destitution et l’arrestation du président élu en juillet 2021 : l’ex-syndicaliste enseignant Pedro Castillo. Ce dernier avait pourtant multiplié les concessions à la bourgeoisie, depuis son élection, mais celle-ci ne voulait pas s’en satisfaire : elle exigeait le contrôle direct de la présidence du pays.

En réponse à la destitution de Castillo, les masses péruviennes sont immédiatement descendues dans les rues. Dans toutes les régions pauvres, des manifestations ont réclamé la fermeture du congrès (le parlement) et le départ de celle qui a remplacé Castillo à la tête du Pérou : Dina Boluarte.

A l’heure où nous écrivons ces lignes (fin décembre), le mouvement faiblit mais se poursuit, malgré la répression et les manœuvres parlementaires de la classe dirigeante.

Un régime discrédité

Le 20 décembre, sous la pression de la rue, le congrès a dû rediscuter de l’opportunité d’organiser des élections anticipées. L’idée était de détourner le flot de la colère vers la voie électorale.

Le 7 décembre, lorsque Dina Boluarte a pris le pouvoir, elle a d’abord annoncé qu’elle entendait rester en place jusqu’en 2026, c’est-à-dire jusqu’à la fin du mandat pour lequel Castillo avait été élu. Mais cette position est rapidement devenue intenable.

Ni la répression brutale, qui a déjà fait au moins 30 morts, ni l’état d’urgence et le couvre-feu ne peuvent donner au régime la stabilité dont il a besoin. Une partie de la classe dirigeante péruvienne a compris qu’elle allait devoir réformer son système politique pour tenter de redorer son image et de donner un semblant de légitimité démocratique au nouveau régime. D’où l’idée, avancée par plusieurs parlementaires, d’organiser des élections anticipées dès l’année 2023.

Le 11 décembre, un éditorial du Financial Times – l’organe officieux de l’impérialisme britannique – affirmait qu’il faudrait au Pérou des réformes politiques d’ampleur, y compris une réforme constitutionnelle, pour restaurer la stabilité du capitalisme dans le pays, et donc la protection des intérêts des multinationales minières. Du point de vue des intérêts bien compris des grands capitalistes et de l’impérialisme, c’est la voix de la raison. Mais il semble que les représentants de la bourgeoisie péruvienne, au congrès, soient incapables de l’écouter et d’agir en conséquence. Le 20 décembre, après des heures de discussion, une majorité de parlementaires a voté en faveur d’élections anticipées en… avril 2024 ! Et encore : cette décision devra être confirmée par un amendement constitutionnel qui doit être discuté en février 2023. Ce qui devait être une manœuvre parlementaire visant à dissoudre le mouvement des masses, dans la rue, s’est donc transformé en une mauvaise farce qui ne satisfera personne.

Toutes les institutions de la démocratie bourgeoise péruvienne sont profondément discréditées. D’après un sondage commandé par le journal La República, 83 % des Péruviens veulent des élections anticipées à très court terme, 71 % désapprouvent l’arrivée au pouvoir de Dina Boluarte et 80 % sont insatisfaits du « fonctionnement de la démocratie » péruvienne en général.

Une chose est sûre : lorsque les travailleurs, les paysans et les étudiants qui manifestent aux quatre coins du pays réclament la « fermeture du congrès », ils ne veulent pas dire : « fermez le congrès dans 16 mois pour que nous puissions réélire les mêmes députés qu’avant ». La farce parlementaire du 20 décembre, qui propose des élections pour le mois d’avril 2024, ne pourra pas durablement ramener le calme dans les rues d’Arequipa, d’Ayacucho, d’Apurímac, de La Libertad et d’ailleurs.

Le mouvement doit s’organiser

Sous les coups de la répression, et en l’absence d’une direction dotée d’un programme et d’une stratégie à la hauteur de la situation, le mouvement de protestation s’est affaibli au cours des derniers jours. Mais il n’est pas fini pour autant. Dans certaines régions, les blocages de routes continuent. Les ouvriers de l’industrie gazière de Camisea menacent de prendre « les mesures les plus radicales». Des milliers de personnes marchent sur Cuzco depuis les campagnes. Ni le congrès, ni l’usurpatrice Dina Boluarte n’ont regagné une once de légitimité.

Pour que le mouvement soit victorieux, il doit se donner une forme organisée capable d’unir tous les travailleurs et toutes les organisations participant à la lutte, aussi bien celles qui existaient déjà que celles qui ont émergé depuis le coup d’Etat parlementaire du 7 décembre. Il faut coordonner et unir le mouvement dans une Assemblée nationale révolutionnaire des travailleurs et des paysans, qui pourra donner une direction à la lutte et poser devant les travailleurs la tâche de prendre le pouvoir.

Qu’ils s’en aillent tous ! Les travailleurs doivent gouverner !

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